Z'avez-vu mon cadeau de Noël?
Rien de très original, je sais. Chaque fois que je passe devant la boutique Pandora au centre commercial, c'est bondé. C'est à croire que toute la ville en porte un. M'enfin. Je n'en voulais pas un pour copier les autres. Le pop corn, je laisse ça aux autres.
Ça faisait longtemps que je voulais ce bracelet qui allait me permettre de raconter ma vie sur un fil d'argent, de me rappeler de faits marquants de mon existence, mais qui allait aussi me guider dans mes actions futures.
C'est beaucoup de pression quand même pour un bijou hein?
Ainsi, j'ai une charm pour chacune de mes trois filles. J'en ai aussi une qui me rappelle comment a commencé ma relation avec l'homme. Cute hein?
Puis, il y a celle des papillons rouges.
Celle-là, c'est pour Zoé. Une petite poulette de 8 ans qui a ému bien des coeurs et fait pleurer bien des pupilles dans les dernières semaines.
Zoé, c'est la nièce d'une amie du secondaire. Elle m'avait parlé de son histoire, il y a sept ans, entre deux allées de l'épicerie. Les médecins venaient juste de découvrir que son petit coeur avait des pépins et qu'il fallait lui en mettre un tout neuf, cadeau inespéré venu du ciel de la Philadelphie qu'elle a reçu un peu après avoir soufflé trois chandelles sur son gâteau d'anniversaire. Ouf, ont soupiré ses parents.
Puis, il y a eu un deuxième Everest : la réadaptation, les complications, une mononucléose, les soins intensifs. La galère que les parents conjuguaient de main de maître alors que la maman venait tout juste de donner naissance... à des jumelles!
N'empêche, malgré que Zoé fusse la petite fille la plus combative au monde, malgré qu'elle repoussait du revers de la main toutes les épreuves qui se pointaient sur son chemin, ben le foutu crabe s'est logé dans ses intestins au printemps dernier.
Encore une fois, Zoé a travaillé fort pour se débarrasser du mauvais "concert" qui jouait de la musique mortelle dans son ventre. Malgré la volonté à toutes épreuves de la poulette, il a fallu regarder les choses en face, les yeux dans les yeux : à huit ans, la petite coccinelle deviendrait un papillon...
Elle s'est envolée, entourée de sa famille, un dimanche en fin de journée. Un peu au même moment où le soleil ferme ses yeux pour la nuit, Zoé a fermé les yeux pour toujours.
Quand la nouvelle m'est parvenue, c'est mon coeur qui s'est brisé. C'est les yeux plein d'eau que j'ai regardé une à une mes poulettes en me disant que criss que j'étais chanceuse qu'elle n'ait eu que des otites dans leur vie et que dans le fond, ramasser du vomi à 3 h du matin, ben, il n'y a rien là.
Alors, c'est pour ça la bille papillon. Quand je me plaindrai le ventre plein, quand je hurlerai à l'injustice parce que je dois encore aller attendre trois jours à l'urgence pour obtenir une foutue prescription de Biaxin, quand j'aurai envie de chialer que mes enfants sont épouvantables, je regarderai mon bracelet.
J'espère que ça me remettra les yeux en face des trous.
