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Channel: Cinq Fourchettes etc.
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Je fais la grève - Pennes aux légumes sautés avec sa sauce à la vodka

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Chaque soir, c'est la même chose. La même question. La même réponse.
"Qu'est-ce qu'on mange?", me demandent-elles en choeur. 

"Je ne sais pas!", leur réponds-je invariablement.

Et j'ouvre, invariablement le frigo, espérant que l'inspiration se cache dans le bac à viandes froides ou derrière la pinte de lait. Ce soir, il n'y avait pas vraiment d'idée qui traînait entre la mozzarella et l'effilochée de jambon. Ni dans le bac à fruits, sous les pommes. Ni dans la porte à côté du ketchup et du jus.

Niet. Sweet nothing.

"On mange rien. Je suis tannée de manger. Je suis écoeurée de penser à mettre des trucs ensemble pour arriver à faire quelque chose de mangeable. Tout ça pour quoi? Pour que vous vous dépêchiez à avaler votre assiette pour que vous vous poussiez dans votre chambre? De la schnout! Tant pis. Ce soir, je passe mon tour", ai-je déclaré, en fermant -un peu trop fort- le frigo.

Non, mais c'est vrai. Je suis quoi moi? Une dinde? Une twit qui passe ses journées à courir à l'épicerie, à chercher une bonne recette, à éplucher des patates, à cuire juste à point la viande, à faire la vaisselle, à ramasser le désastre que j'aurais laissé dans ma cuisine? Pour quoi? Pour même pas un merci? Pour finir mes repas seule à la table?


Moment d'angoisse.
Frayeur qui se lit dans le visage de tous les membres de ma smala.
Panique généralisée.

C'est ça qui arrive. Sont trop gâtés. Pourris à l'os. Habitués d'avoir tout cuit dans le bec. Ils oublient que derrière ces tatakis de boeuf, ces biscuits Oreo maison pis ces potages pommes, courge et cari, bien il y a quelqu'un qui se démène. Quelqu'un qui a à coeur leur santé, leur bien être et qui mérite plus qu'un 33 secondes passées à table en répondant des "hum, hum" aux questions posées.

Un peu de savoir-vivre les poulettes! Un peu de reconnaissance et de gratitude!

Je les ai laissées un peu mariner dans leur jus. J'avais envie qu'elles réalisent qu'un risotto aux champignons sauvages, ça n'apparaît pas en claquant des doigts dans l'assiette. Qu'il fallait plus qu'un abracadabra lancé dans les airs pour faire apparaître un saumon Wellington sur la table. Et surtout, que si je voulais, on pourrait manger tous les soirs que la vie amène des grilled cheese pas de beurre. Qu'avec tout l'argent économisé ainsi, je pourrais aller SEULE à Cubas trois fois par année.



J'entendais bardasser dans la cuisine. Puis, des murmures me sont parvenus aux oreilles. J'avais de la difficulté à décoder ce que les filles se disaient. Même Sam, -2 ans et demi, je vous rappelle- semblait être dans le coup. 

C'est Max qui est venue me voir la première. "J'ai pensé qu'on pourrait se faire des pâtes. Il y a de la sauce dans le garde-manger et on pourrait mettre plein de légumes dedans. Est-ce que ça serait une bonne idée de mettre le restant du poulet aussi?" m'a-t-elle demandé, tout doucement, de peur que je ne l'envoie prendre son Bovril ailleurs que devant moi. 

Je me suis contenter de lui sourire. Qu'elles s'arrangent, ai-je pensé. J'ai continué à boire mon verre de vin, bien assise dans mon fauteuil avec le dernier Ricardo (faut pas pousser mon histoire de grève trop loin quand même!).

(Bon, j'ai l'air cruelle vite vite de même, mais des enfants, des fois, quand ça ne comprend pas ni du cul, ni de la tête, ben faut ce qu'il faut. Elles me remercieront sûrement plus tard. Enfin, espérons que.)



J'ai entendu les deux grandes se chicaner sur les légumes à mettre ou non dans le sauté. Max ne trouvait pas l'idée de Filou de mettre des tranches de concombre particulièrement brillante. N'empêche qu'elles sont arrivées à un consensus et ensemble, elles ont fait un souper sans l'aide de maman.

Sam s'est occupée de mettre la table. Ce n'était pas parfait. J'ai dû me contenter de manger mon souper avec une cuillère à dessert, mais soulignons tout de même l'effort.

Les épinards étaient un peu trop cuits. Les pennes, quant à eux, auraient eu avantage à rester un peu plus longtemps dans l'eau bouillante. Les poivrons n'étaient pas coupés à l'équerre et je questionne un peu le choix d'avoir omis les oignons dans la recette.

Mais, c'était bon en sale! C'était savoureux, mais surtout c'était rempli de la fierté de deux ados qui ont fait elles-mêmes le souper. C'était rempli de compassion pour le boulot que j'accomplis sept soirs/semaine. C'était rempli de reconnaissance pour tout ce temps et l'amour que je mets dans ces repas.

"Maman? Tu sais, vu que c'est nous qui avons fait le souper... Bien, il me semble que ce serait à toi de faire la vaisselle....?" a osé me questionné la middle one en me faisant un clin d'oeil. 

"Ouais... bien essayé Filou", ai-je répondu en éclatant de rire.

Hey! Tant qu'à prendre congé, aussi bien le faire jusqu'au bout t'sé! Une chose me dit quand même que ce n'est pas la dernière fois que je déclare la grève.

Pour la recette, les filles ont simplement faire revenir un paquet de légumes qu'elles ont mélangé à de la sauce Classico à la vodka qu'elles ont servis sur des pennes.



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